Confiance/ Doute

J’ai grandi dans une religion qui demande une foi aveugle envers Dieu.

Dans cette religion, la foi n’est pas basée sur une expérience directe, elle doit plutôt être établie sans questionnement ni compréhension. Une histoire de la Bible raconte qu’un disciple fut puni et réprimandé après avoir refusé de croire que Dieu était revenu d’entre les morts sans en avoir vu l’évidence lui-même; il s’était fait dire qu’il aurait dû avoir honte.

On m’a enseigné que la croyance et la foi devaient être aveugles; elles devaient être sans fondation et sans vérification pour être appelées ainsi.

Il me semblait difficile d’avoir une foi aussi forte; une confiance absolue dans quelque chose que je n’avais jamais vu et que je ne verrais peut-être jamais, et d’en faire le fondement de mes actions et de ma vie. J’avais cependant une grande admiration pour ceux qui parvenaient à le faire.

Par contre ce que je n’avais pas réalisé avant d’être initiée à la méditation, c’est que j’avais moi-même ce genre de confiance aveugle envers ce que je lisais et ce que j’entendais. Je pouvais répéter ce que les personnes autour de moi disaient sans aller plus loin, sans vérifier ce qu’il en était vraiment. Combien des choses que je pensais savoir avais-je déjà vérifiées moi-même? Bien peu! Qu’il s’agisse de croire en Dieu ou à la physique quantique, la confiance est aussi aveugle pour l’un que pour l’autre. 

Avec la méditation, j’ai réalisé qu’il est en fait assez facile, voir automatique, de croire ce qu’on entend, ce qu’on nous dit ou ce qu’on lit; ce qui est plus compliqué est de chercher la vérité soi-même, jusqu’à ce qu’on puisse le confirmer par sa propre expérience. Questionner ce qu’on entend et ce qu’on lis, même si ça vient d’un écrivain renommé. Questionner ce à quoi l’on croit fervemment, même si c’est la base de notre moralité.

La méditation est une quête de vérité où on cherche, par un travail sur soi, à observer à l’intérieur de nous la véritable nature des choses. Pour y arriver, un guide est d’une grande utilité car, sans pouvoir faire le travail pour nous, il donne des indications sur le chemin à emprunter, qu’il connaît bien après l’avoir traversé lui-même. 

Même venant d’un guide ou d’un professeur, il est important de questionner l’information reçue, de ne pas l’accepter simplement parce qu’elle vient de mon professeur. Quand je ne suis pas en accord avec ce qu’il dit, j’analyse plus en profondeur. Pourquoi cela me semble faux? Ma compréhension est-elle meilleure que la sienne? En quoi? Je donne alors aux deux visions une opportunité égale d’être confirmées ou réfutées. 

Ce qui n’est pas vérifiable par soi-même ne doit pas être accepté directement. Cela ne veut pas dire de rejeter ce qui est dit, mais simplement d’attendre de l’avoir vu par soi-même avant de s’autoriser à dire « Je sais.». Le doute présent au début se transforme en confiance, car on réalise des choses qu’on n’avait jamais comprises avant; la méditation, qui permet de voir par soi-même, permet de construire une confiance presque inébranlable basée sur du solide. 

C’est un peu comme apprendre les mathématiques: plus on étudie, plus on comprend et on est capable d’utiliser les théorèmes et les équations, donc plus on a confiance en ce système. Même si je n’ai pas vue la preuve de l’équation d’Einstein, j’ai confiance que « E = MC2 » est une formule correcte. En comprenant et en mettant en pratique de théorèmes simples (exemple: les axiomes), on peut voir que les techniques utilisées en mathématique sont cohérentes.

Pour prendre un autre exemple: si on n’a jamais été à New York et que quelqu’un nous donne la direction pour y aller, on ne peut pas vraiment savoir si le chemin est correct. Si on a une confiance modérée envers cette personne, on va commencer à se diriger vers la direction qu’il a pointée. À un moment, on verra un panneau routier indiquant « New York 200 km » et un peu plus loin, un autre indiquant « New York 100km ». Ainsi, plus on verra de signaux routiers annonçant qu’on est sur la bonne route, plus notre confiance dans les indications qui ont été données sera forte et plus on aura la certitude d’être sur le bon chemin. 

Par contre, pour obtenir ce type de confiance, il faut pouvoir démarrer.

Si on nous donne le chemin pour aller à New York et qu’on ne bouge pas, qu’on n’entre même pas dans ta voiture, mais qu’on y croit; la confiance qu’on aura vis-à-vis des indications que l’on a reçues sera aveugle.

Une confiance aveugle est beaucoup plus susceptible d’être brisée par le doute; cet adversaire de taille qui dévore de l’intérieur, comme la rouille qui est née du métal lui-même et qui le détériore.

Imaginons qu’on se tienne là, sans hésitation, avec en sa possession toutes les indications pour aller à New York. Ce doute pourrait prendre la forme d’une personne qui viendrait nous voir et qui dirait « L’autre personne qui t’a donné les indications essaie de te tromper! New York est dans la direction opposée! De plus, ta voiture n’est pas en bon état, elle va tomber en panne avant que tu n’y arrives! ». Le doute a une apparence trompeuse : il ressemble à quelqu’un qu’on aurait envie d’écouter et qui a toujours de bons arguments. Dans cette situation, ne va-t-on pas hésiter et tout remettre en question? Maintenant, on doit décider lequel des deux mérite notre confiance: notre guide ou cette personne qui affirme qu’il est un imposteur? Maintenant, on doute de plus en plus. Plus rien n’est sûr.

À l’opposé, supposons que ce même homme inopportun arrive et dise exactement la même chose, qu’il essaie de convaincre que le guide est un menteur et qu’on est sur le mauvais chemin, mais que cette fois-ci, la moitié du chemin est déjà parcourue. Comme on a déjà parcouru la moitié du chemin, on a pu observer trois panneaux routiers qui confirment qu’on est effectivement sur la bonne route, celle qui mène à New York. 

Cet imposteur qui essaie de nous tromper pourra-t-il alors arriver à nous faire douter? Non, bien évidemment.

Il en est ainsi avec Dhamma et la méditation. Une première étincelle de confiance est nécessaire pour mettre le moteur en route et se diriger vers la direction indiquée. Puis, plus on avance, plus on constate par soi-même tout ce qui se trouve sur le chemin. Plus on voit par soi-même, plus notre confiance est forte, plus notre but est clair, et moins notre esprit aura de place pour laisser entrer le doute. 

Éventuellement le doute sera complètement arraché, mais pour en arriver là, il faudra nécessairement cette étincelle de confiance envers son guide, son but et soi-même. Puis, en solidifiant cette confiance, il sera alors possible de trouver la force pour affronter les obstacles qui se présenteront sur le chemin, pour trouver la force d’affronter nos peurs et nos faiblesses et les corriger. La confiance d’être sur le bon chemin est ce qui nous permet d’avoir la détermination de continuer tant que notre but n’est pas atteint.

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