Plus de désir, plus d’insatisfaction

Les 4 nobles vérités

L’insatisfaction

Le contentement est peu valorisé dans notre société de consommation. On encourage plutôt la recherche du succès matériel, l’accumulation de biens qui existent pour combler nos désirs. On aborde aujourd’hui le sujet de l’insatisfaction, du désir et du contentement. Pour commencer, il est pertinent de se questionner sur le lien qui existe entre l’insatisfaction et le désir. Y a-t-il un lien entre le désir et l’insatisfaction? En général, tous s’entendront sur le fait que l’insatisfaction est quelque chose de négatif auquel on souhaite remédier et que le désir est quelque chose qu’on aime, qu’on veut, et que ça représente donc quelque chose de positif. Le lien entre les deux, maintenant?

Notre insatisfaction nous amène à désirer un changement de situation; en fait, notre insatisfaction est en elle-même un désir de se retrouver dans une situation différente. Ou encore, si on le tourne de l’autre côté : tout désir est une insatisfaction de notre situation actuelle. On désire quelque chose qu’on n’a pas et qu’on veut, on désire se débarrasser de quelque chose qu’on a et qui ne nous plait pas, on désire se trouver dans un endroit où on n’est pas, on désire vivre une expérience différente de celle qu’on vie. On n’a jamais de désir pour quelque chose qu’on a déjà, le désir est en lui-même une insatisfaction qu’on va chercher à assouvir pour obtenir une satisfaction. Plus on a de désir, plus on est insatisfait. Plus on est insatisfait, plus on a de désir. Ils sont intrinsèquement liés, l’un ne va pas sans l’autre.

Quelle est donc la cause de notre insatisfaction?

On blâme à peu près toujours la situation extérieure; la situation malheureuse dans laquelle on se trouve est la cause de notre mécontentement. Par exemple, on est fâché parce qu’on vit une injustice ou qu’on nous a fait du mal, on est triste parce qu’on a été trahi ou qu’on a perdu quelqu’un ou quelque chose, on est exaspéré par le comportement de quelqu’un. On met la faute sur la situation, pourtant, est-elle véritablement la cause de notre souffrance, de nos insatisfactions?

Prenons un exemple récent : le confinement vécu en raison de la pandémie liée au coronavirus. Beaucoup de personnes en ont réellement souffert psychologiquement. L’isolement a engendré de l’insatisfaction chez la majorité et de graves dépressions et de la détresse chez plusieurs.

Puis, au même moment, transposons-nous dans la situation d’un réfugié qui n’a ni nourriture, ni conditions de salubrité et qui lutte pour sa survie. Si on offrait à ce réfugié l’opportunité de prendre la place d’une personne confinée au Canada, vivra-t-il la même détresse, la même insatisfaction que le Canadien? Non, bien sûr que non, il vivra plutôt un grand soulagement.

Prenons maintenant un deuxième exemple, celui d’une mère de cinq enfants avec un travail à temps plein, qui mène une vie précipitée et sans repos, à courir ici et là entre les cris, les pleurs, les tâches ménagères, les devoirs des enfants et les travaux professionnels. Ce qu’elle désire le plus au monde : la paix, le calme, la solitude.

Disons qu’on lui offre cela, la paix, le calme, la solitude, dans une pièce tranquille, sans bruit, sans téléphone pour sonner, sans télévision pour faire de bruit, sans ordinateur pour recevoir un courriel, sans livre pour se distraire. Seule avec elle-même, dans une pièce, sans rien à faire. Pur bonheur. Pur bonheur, oui, mais pour combien de temps? Cela pourrait prendre quelques heures, quelques jours tout au plus, mais au bout d’un certain temps, ce calme se transformera en agitation et en insatisfaction et elle désirera le bruit, l’action, les enfants qui crient et les tâches à accomplir, car rester à rien faire deviendra insoutenable.

Ces deux exemples, celui du réfugié et celui de la mère surchargée, nous illustrent deux choses. La première chose à comprendre est que la situation n’est pas à blâmer, car selon le cas la même situation peut être source de joie et soulagement pour l’un, ou source de tristesse pour l’autre. Le confinement peut être la source de détresse de l’un, mais aussi la source de soulagement de celui qui était dans une situation encore pire. La pièce tranquille peut faire naître de la joie au départ, mais se transformer en insatisfaction avec le temps. Ainsi, notre situation extérieure n’est pas la cause profonde de notre insatisfaction, il est faux de la blâmer pour notre mécontentement.

La deuxième chose que ces exemples illustrent est que de chercher à régler notre insatisfaction en la soulageant n’est qu’un remède temporaire. Le réfugié, bien qu’il soit soulagé de sa situation en confinement au Canada au départ, en sera probablement mécontent lui aussi au bout d’un certain temps. La mère surchargée, soulagée par sa pièce tranquille, devient agitée après un certain temps.

Le désir est la véritable cause de notre insatisfaction et la seule solution qu’on ait appris est de chercher à l’assouvir. Chercher à soulager notre insatisfaction, même si on y parvient, n’est qu’une solution éphémère. Toujours une nouvelle insatisfaction naîtra, et nous devrons nous acharner à tenter de l’assouvir.

Quelle est alors la bonne manière de mettre fin à notre insatisfaction?

Le Bouddha explique à travers ses enseignements comment mettre fin à l’insatisfaction, à la souffrance. L’attitude à avoir pour éradiquer l’insatisfaction est simplement de décider d’arrêter de suivre son désir, de pratiquer le contentement; le contentement au niveau matériel et au niveau émotionnel.

Le contentement matériel

Lorsqu’une personne décide de se dédier à la pratique et devient moine, l’une des premières choses qu’elle apprendra est de se contenter de peu; de se contenter du strict minimum nécessaire pour maintenir sa santé et lui permettre d’avoir l’énergie pour méditer et se concentrer.

À cet effet, les biens dont un moine a besoin sont de la nourriture, des vêtements, un abri pour se loger, des médicaments (au besoin) et certains petits accessoires tels fil, aiguille et rasoir. L’essentiel est d’arriver à différencier la nécessité du désir. Il n’est pas utile de se priver des éléments nécessaires à sa santé. Au contraire, les pratiques hostiles d’auto-privation encouragées dans certaines pratiques spirituelles sont plutôt néfastes car sans la santé ou un endroit approprié pour pratiquer, arriver à méditer et se concentrer devient très difficile, voire impossible.

Malgré cela, si un moine n’a pas à sa disposition les biens ou un endroit approprié pour pratiquer, il se doit de pratiquer le contentement. Ajan nous racontait la fois où il avait installé sa tente sur la plage en Thaïlande pour méditer et où il s’est réveillé au milieu de la nuit, submergé d’eau, car la marée était montée plus haut qu’il n’avait imaginé. À ce moment, plutôt que d’être mécontent d’être complètement détrempé, il s’est senti tellement satisfait d’être au moins protégé des moustiques dans sa tente. Le contentement, c’est exactement ça, apprécier ce qu’on a même si ce n’est pas beaucoup.

Cependant, attention de ne pas confondre contentement et stupidité. Il n’est pas sage de demeurer dans une situation qui porte préjudice à notre pratique, cela n’est pas du contentement, c’est un manque de jugement. Les récits relatent l’histoire d’un moine au temps du Bouddha qui avait passé un Vassa à dormir dehors, sans abris, sous la pluie et le vent. Des laïques lui avaient promis un abri, mais des circonstances imprévues sont apparues et ils n’ont pas pu tenir leur promesse envers le moine. Lorsqu’il retourna voir le Bouddha après les trois mois inconfortables de son Vassa, le Bouddha lui demanda s’il avait pu méditer et se concentrer. Le moine lui répondit donc que non, étant donné les conditions austères auxquelles il avait fait face, il n’avait pas été capable d’atteindre la concentration. Le Bouddha le réprimanda alors pour son manque de jugement, car d’endurer physiquement l’inconfort n’a jamais aidé à développer la sagesse, il aurait dû soit se construire un abri lui-même, soit se diriger vers un village voisin pour y trouver refuge. Il avait donc perdu son temps durant le Vassa.

Se contenter de ce que l’on a matériellement implique donc la sagesse de pouvoir différencier la nécessité du désir.

Le contentement émotionnel

On a parfois (souvent) un confort matériel sans lacune, mais malgré cela, à l’intérieur, on n’est pas bien. Qu’est-ce qui peut nous empêcher d’être tout simplement calme et bien quand on est seul dans une pièce avec rien ni personne? Comment arrive-t-on à avoir un esprit troublé même si tous nos besoins sont comblés? Comment notre propre esprit parvient-il à devenir notre propre ennemi?

Le Bouddha enseigne comment mettre fin à un esprit troublé et le présente en trois grosses étapes principales. Tout commence avec la pratique de la moralité (Sila), sans elle rien n’est possible. Pratiquer la moralité se fera en posant des actions justes (en paroles et en actions) et en ayant un métier juste (si le pratiquant est laïque). Le fait de pratiquer la moralité en posant des actions justes et irréprochables enlèvera toute possibilité de regret et de culpabilité pour le futur. Puis, une fois que les bases de la moralité sont établies, la pratique de la méditation et la naissance de Sati permettront d’entraîner l’esprit à sortir de ses mauvaises habitudes. Finalement, avec la méditation, l’effort et la concentration (Samadhi) viendront une compréhension juste et des pensées juste, la sagesse pourra s’établir. Avec la sagesse (Panna) et des pensées justes, il n’y aura plus de place pour un esprit troublé.

Pour résumer le tout, notre vie est remplie d’insatisfactions, petites et grandes, c’est ce qu’on appelle la première noble vérité, la souffrance. La cause même de cette souffrance : notre désir; c’est la deuxième noble vérité. Plutôt que de chercher sans relâche à soulager ses insatisfactions, à suivre son désir, un moine se dédie au contentement et refuse de suivre ses désirs, c’est la troisième noble vérité. Finalement, la quatrième noble vérité, le chemin, c’est la pratique la moralité et la méditation pour développer la sagesse et arriver à arracher définitivement la cause de toute cette souffrance qu’est le désir. C’est la solution que le Bouddha a vue et enseignée à tous ceux qui ont décidé de choisir la sagesse et la fin de la souffrance.

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